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Dernier volume de la collection A mon d’chés écriveus, Lz’épistoles kaimberlottes remet à l’honneur un pamphlétaire picard injustement oublié : Henri Carion. Satire mordante, langue savoureuse et liberté de ton… tout y est.

Henri Carion (1812–1892) est une figure peu connue de l’histoire littéraire et politique du XIXe siècle, mais son œuvre mérite une attention particulière, tant pour son audace que pour la place centrale qu’y occupe la langue picarde. Opposant farouche au régime de Louis-Philippe, il choisit la satire pour exprimer son désaccord, mais avec une originalité remarquable : il rédige ses pamphlets en picard du Cambrésis, à travers la voix d’un personnage fictif, Jérôme Plumecoq, paysan de Cagnoncles.

Ces textes, publiés dans le journal L’Émancipateur de Cambrai puis réunis en recueil sous le titre Lz’épistoles kaimberlottes, sont d’une rare virulence pour l’époque. Henri Carion s’attaque directement au roi et à son gouvernement, dans une langue savoureuse, populaire, pleine d’ironie. Il ne se contente pas de critiquer : il ridiculise, détourne, caricature. Et ce, sans que la justice ne puisse le réduire au silence. Carion fera l’objet de vingt-neuf procès pour injure au roi. Il les gagnera tous. La raison en est simple : les juges, ne maîtrisant pas le picard, étaient incapables de juger le contenu avec précision. Par ce biais, la langue régionale devient un bouclier, un outil de liberté d’expression à part entière.

L’édition actuelle reprend les trente-deux épistoles de la première publication, auxquelles s’ajoutent celles parues dans L’Arménaque d’Jérôme Pleumecoq en 1840 et 1841, ainsi que sept épistoles écrites en 1852, sous le règne de Napoléon III. Deux récits de procès en français viennent compléter l’ensemble, apportant un éclairage supplémentaire sur le contexte judiciaire et la stratégie de défense de Carion. Le ton de ces textes, mordant, libre, parfois cinglant, étonne encore aujourd’hui par sa modernité et sa force subversive.

Cette œuvre est également accompagnée d’une étude incontournable signée Jacques Landrecies, maître de conférences à l’université Lille III, publiée en 2001 par la Bibliothèque des Chartes sous le titre Un pamphlétaire en picard sous Louis-Philippe. Elle permet de resituer Henri Carion dans son époque, de comprendre ses choix linguistiques et politiques, et de mesurer la portée de ses écrits.

Lz’épistoles kaimberlottes constitue ainsi un témoignage précieux de l’histoire du picard comme langue d’expression critique et populaire. Ce n’est pas seulement une curiosité littéraire, mais une démonstration éclatante du potentiel d’une langue régionale à dire le monde, à interroger le pouvoir et à faire entendre une voix différente, ancrée dans le réel. Relire Carion aujourd’hui, c’est redécouvrir une page méconnue de l’histoire politique du Nord de la France, mais aussi affirmer la vitalité et la légitimité du picard dans le patrimoine culturel français.

Lz’épistoles kaimberlottes – Henri Carion
Nombre de pages : 308 pages
Format : 22 × 17 cm
Poids : 0,7 kg
Prix : 18,00 €
Collection : A mon d’chés écriveus (édition bilingue)
À retrouver sur notre boutique en ligne : https://languepicarde.fr/produit/lzepistoles-kaimberlottes/